Au départ il y a le constat de l’irrépressible uniformisation du monde et l'avancée du système néo-libéral. Ensuite il y a l’Accord de Paris sur le climat, adopté en 2015 qui reconnaît les peuples autochtones puis l'UNESCO qui réaffirme « sa détermination à préserver et promouvoir leurs identités, leurs langues et leurs systèmes de savoir. »

            Nous souhaitons explorer les champs de l'autonomie, du développement durable, d'un autre fonctionnement sociétal par le prisme de l’éducation à l'image, de la sauvegarde du patrimoine immatériel linguistique et du rapport à l'exil. Grâce à l'itinérance et à nos explorations nous allons aller à la rencontre des initiatives originales permettant de développer chaque épisode avec le même angle tout en découvrant une nouveauté dans chaque court métrage documentaire réalisé avec les élèves des écoles rencontrées. Nous souhaitons livrer la trace d’un périple à la rencontre et en défense des populations autochtones d’Amérique Centrale. L'expression d'une certaine sensibilité. Nous joignons l'authenticité de la route à la spontanéité d'internet. En dialogue. L’unité temporelle qu'apporte une web série permet en ce point une spontanéité et un parallèle venant souligner problématiques locales et portées globales.

             L’image et d’autant plus le cinéma, ont un caractère universel qui est, une porte ouverte à la communication et à l’échange culturel notamment dans des zones où l’illettrisme est encore malheureusement très présent. Une projection cinématographique est un spectacle, une sortie, une respiration dans le quotidien. Ici le cinéma vient au spectateur et de contemplatif, l'enfant devient acteur. Une valorisation évidente du travail fournit par l'ensemble des élèves.

 

            Partager notre itinérance. L’autonomie presque à visée politique, mode de vie inhérent à notre expérience. Nous proposons à l'internaute en plus des films réalisés avec les enfants, une place dans notre caravane et d'en suivre pas à pas l'avancée : la route, les marchés, les levers de soleil et les galères. Les tracas de l'administration, la corruption, l’absence de carte, les crevaisons, l'entraide, l’accueil et les découvertes. Le quotidien et la beauté du monde.

 

J’ai pu remarquer dans mes précédents voyages que dans les zones rurales et souvent reculées où parfois l’espagnol est peu présent, l’école est un point d’entrée dans la communauté. Le professeur jouit d’un certain aura, parle espagnol et manœuvre le point commun à une majorité des habitants : l’école. Un dialogue s’installe et de là, une collaboration. C’est ensemble que nous mettons en place des ateliers visant à la réalisation d’un court métrage documentaire s’articulant autour d’une problématique locale choisie par les enfants. Nous pouvons imaginer le concours des habitants locaux mais c’est surtout un travail avec les enfants et les professeurs. On traverse ainsi tous les champs de la production audiovisuelle et l’ensemble des techniques du cinéma et de la télévision qui vont de l’écriture à la diffusion en passant par le tournage et le montage.  Les élèves peuvent approcher selon leur affinité un large éventail des métiers de l’image et du son.   

L’histoire des relations entre école et cinéma est déjà longue. Depuis les premiers
essais du cinéma utilisé pour la correspondance scolaire par Célestin Freinet à la fin des années vingt, les enseignants ont souvent tenté de faire coïncider les apprentissages avec les techniques de reproduction de l’image et du son les plus récentes. Le film attire, il est un support motivant pour les élèves, il est à la fois un divertissement populaire et un mode d’expression. Son usage à l’école va donc balancer entre éducation du regard, documentation sur le monde et utilisation des techniques du cinéma pour créer et exprimer. Avec l’apparition de la vidéo, puis des techniques numériques, le problème, à la fois, se simplifie et se complexifie : l’accès aux films, devenu extrêmement simple, se démultiplie sous différents médias (télévision, internet, smart phones, ...). La technique se cache aujourd’hui derrière des appareils ultra-simples et ultra-performants. Mais, tout à la fois, chacun perd ses repères : les objets sont mal identifiés, les modèles se perdent et la multiplication des images faciles tue d’une certaine façon l’intérêt de l’image tout en faisant apparaître un danger, celui d’une passivité et d’une crédulité toujours plus grandes, d’un manque de discernement face aux images pléthoriques. Faire un film avec des élèves est donc aujourd’hui techniquement simple mais de conception difficile : cela gagnera à être accompagné d’une préparation, d’une éducation à l’image qui sera autant « critique » ou historique que technique.

Nous sommes une société de l’image. Internet et la tv sont là, même dans les zones les plus reculées. Les téléphones portables retransmettent les matchs de foot, les telenovelas et les clips musicaux nord américains. L’avancée du monde néolibéral et son rouleau compresseur culturel anéantit les particularités locales. Le sous-continent américain est la proie des puissants depuis un demi millénaire et son développement freiné par l’appétit des pays du Nord. Leur dépendance vis à vis par exemple des exportations ne sont que les réminiscences
du marché des épices d’autrefois. Ainsi, il ne faut en aucun cas que nous arrivions
en néo conquistadors, apportant la bonne parole et la « bonne » culture. Il s’agit
vraiment d’un échange, de mettre en lumière et de donner la parole.

Mon attachement et la défense des particularités régionales proviennent du fait que moi-même je parle une langue minorisée. L’occitan m’a été transmis et le déclin de cette langue me rend sensible à l’irrépressible uniformisation du monde. J’ai grandi avec des notions d’égalité et de respect. On m’a transmis que le savoir et aussi important que le savoir faire. J’aime la dualité du cambouis et de la bibliothèque. On m’a appris que l’intelligence et la culture ne sont pas
l’apanage des puissants. Qu’il y a de la beauté dans les combats et les luttes sociales mais que le poids de la vie est plus dur à porter ici ou là. Un estomac plein est toujours la priorité. J’ai pu voir dans différentes parties du globe où j’ai eu la chance de me rendre que l’Homme cherche le bonheur et la liberté. Simone de Beauvoir l’a justement exprimé : « se vouloir libre, c’est aussi vouloir les autres libres » et je pense qu’en montrant que c’est possible de créer une alternative, de partager cette expérience fait avancer un peu dans cette direction.